Elsevier

La Presse Médicale

Volume 43, Issue 2, February 2014, Pages 152-161
La Presse Médicale

Mise au point
Hypogonadismes hypogonadotrophiques congénitaux et syndrome de Kallmann chez l’hommeCongenital hypogonadotropic hypogonadism and Kallmann syndrome in males

https://doi.org/10.1016/j.lpm.2013.12.008Get rights and content

Points essentiels

Les hypogonadismes hypogonadotrophiques congénitaux (HHC) sont une cause importante de défaut, complet ou partiel, de développement pubertaire. Ils résultent le plus souvent d’une sécrétion diminuée simultanée des 2 gonadotrophines hypophysaires, LH et FSH.

Ils se révèlent par une maturation pubertaire absente ou incomplète après l’âge physiologique de la puberté. Deux signes très évocateurs mais inconstants chez l’homme : le micropénis et la cryptorchidie. Ils permettent d’écarter le principal diagnostic différentiel, le retard pubertaire simple.

Chez l’adolescent ou le jeune homme, le diagnostic hormonal d’HH est le plus souvent simple devant une baisse concomitante des concentrations circulantes des gonadotrophines hypophysaires et de la testostérone totale. Le test de stimulation dit « LHRH » n’a pas d’utilité.

Les HHC sont classés en 3 catégories : les formes isolées avec olfaction normale où l’ensemble des manifestations cliniques peut être expliqué par le déficit en gonadotrophines et en stéroïdes sexuels ; le syndrome de Kallmann où l’HHC est associé à une diminution complète ou partielle de la perception des odeurs (anosmie ou hyposmie) et parfois à d’autres signes neurologiques, urologiques ou osseux ; les formes syndromiques complexes où coexistent d’autres manifestations cliniques, neurologiques, hormonales ou métaboliques qui sont au premier plan et qui révèlent souvent la maladie avant l’âge de la puberté.

Depuis une dizaine d’années, on a pu, grâce au développement de la génétique, montrer que des formes partielles de Kallmann ou bien des formes syndromiques non Kallmann pouvaient parfois se présenter comme des HHC isolés (phénocopies). De même, les formes réversibles sont actuellement mieux identifiées et analysées.

La connaissance de nombreux gènes impliqués dans les HHC s’est récemment accrue de façon spectaculaire. Dans les HHC constamment isolés et avec olfaction normale, on trouve des anomalies des gènes GNRHR, GNRH1, KISS1, KISS1R, TAC3, TACR3. Dans le syndrome de Kallmann, ont été mises en évidence des mutations des gènes KAL1, FGFR1, FGF8, PROK2 et PROKR2, WDR11, NELF, et très récemment de SEMA3A, SOX10, FGF17, IL17RD, DUSP6, SPRY4, FLRT3. Concernant les formes syndromiques, il faut noter la mise en évidence d’anomalies du gène CHD7 aussi bien dans le syndrome de CHARGE classique que dans des formes pauci-symptomatiques mimant un Kallmann ou même un HHC apparemment normosmique.

Ces découvertes génétiques ont permis de mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques de ces maladies, d’améliorer les connaissances sur le contrôle neuro-endocrinien de la sécrétion de GnRH et sur le développement des neurones à GnRH au cours de la vie fœtale. Enfin, elles ont aussi rendu possible une amélioration du conseil génétique qui doit être proposé à ces patients infertiles avant toute aide médicale à la procréation. Le diagnostic et la prise en charge de ces malades seront discutés ici à partir de l’expérience acquise dans notre département au cours des 30 dernières années grâce au suivi de plus de 400 malades atteints de ces affections.

Key points

Congenital hypogonadotropic hypogonadism (CHH) and Kallmann syndrome (KS) are a group of rare disorders responsible for complete or partial pubertal failure due to lack or insufficient secretion of the pituitary gonadotropins LH and FSH.

The underlying neuroendocrine abnormalities are classically divided into two main groups: molecular defects of the gonadotrope cascade leading to isolated normosmic CHH (nCHH), and developmental abnormalities affecting the hypothalamic location of GnRH neurons, but also olfactory bulbs and tracts morphogenesis and responsible for KS.

Identification of genetic abnormalities related to CHH/KS has provided major insights into the pathways critical for the development, maturation and function of the gonadotrope axis. In patients affected by nCHH, particularly in familial cases, genetic alterations affecting GnRH secretion (mutations in GNRH1, GPR54/KISS1R and TAC3 and TACR3) or the GnRH sensitivity of gonadotropic cells (GNRHR) have been found. Mutations in KAL1, FGFR1/FGF8/FGF17, PROK2/PROKR2, NELF, CHD7, HS6ST1, WDR11, SEMA3A, SOX10, IL17RD2, DUSP6, SPRY4, and FLRT3 have been associated with KS but sometimes also with its milder hyposmic/normosmic CHH clinical variant. A number of observations, particularly in sporadic cases, suggest that CHH/KS is not always a monogenic mendelian disease as previously thought but rather a digenic or potentially oligogenic condition.

Before the age of 18 years, the main differential diagnosis of isolated nCHH is the relatively frequent constitutional delay of growth and puberty (CDGP). However, in male patients with pubertal delay and low gonadotropin levels, the presence of micropenis and/or cryptorchidism argues strongly in favor of CHH and against CDGP. CHH/KS are not always congenital life-long disorders as initially thought, because in nearly 10 % of patients the disease seems not permanent, as evidenced by partial recovery of the pulsatile activity of the hypothalamic-pituitary-gonadal axis after discontinuation of treatment in adulthood (the so-called reversible CHH/KS).

The clinical and hormonal diagnosis and the therapeutic management as well as the genetic counseling of these patients will be discussed here based on the experience acquired in our department during the past 30 years, from monitoring more than 400 patients with these rare conditions.

Section snippets

Présentation clinique dans le sexe masculin

Pour les raisons évoquées ci-dessus, dans près de 80 % des cas, les individus diagnostiqués sont de sexe masculin. Le diagnostic d’HHC est rarement suspecté avant l’âge de la puberté. Il est parfois évoqué devant l’existence d’une cryptorchidie uni- ou bilatérale ou d’un micropénis au cours de la période néonatale [1], [4], ou plus tard devant ces mêmes signes génitaux associés ou non à des symptômes évoquant un syndrome de Kallmann comme une anosmie ou des syncinésies (mouvements en miroir) [9]

Formes familiales et sporadiques

Dans la majorité des cas, les HHC se présentent de façon apparemment sporadique, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’antécédents familiaux de retard pubertaire ou de signe d’HHC. En fait, l’expérience montre qu’un interrogatoire soigné, réalisé en plusieurs temps, permet de détecter de nombreuses formes familiales. Il faut ainsi rechercher activement, chez les apparentés, des antécédents de retard pubertaire ou des signes évoquant une cause, comme par exemple une anosmie qui permettra de poser le

Dosages statiques

En pratique clinique, les examens hormonaux de base à demander en première intention devant un retard pubertaire sont la testostérone totale couplée au dosage des gonadotrophines hypophysaires, LH et FSH. Le diagnostic hormonal d’hypogonadisme hypogonadotrophique repose sur la mise en évidence d’une concentration de testostérone totale sérique basse (figure 2) associée, dans la majorité des cas, à une baisse concomitante des gonadotrophines LH et FSH (figure 3). Ce diagnostic est facile en

Examen radiologique de la région sellaire et de l’encéphale par IRM

Le principal objectif est d’écarter une masse ou une infiltration de la région hypophysaire qui pourraient provoquer un déficit en gonadotrophines et donc une absence de développement pubertaire [1]. Il permet aussi d’authentifier une hypoplasie ou une aplasie des bulbes olfactifs qui apporteront des arguments en faveur d’un syndrome de Kallmann, tout particulièrement quand l’exploration de l’odorat n’est pas disponible localement [5]. Dans certain cas, il permet de détecter des anomalies de la

Gènes responsables et modes de transmission

Au cours de ces deux dernières décennies, les découvertes des gènes impliqués dans les HHC isolés normosmiques, les syndromes de Kallmann et certaines formes syndromiques se sont largement multipliées [1], [2], [3], [4] (encadré 1). Lorsque le phénotype HHC est entièrement expliqué par le défaut d’un seul gène (formes dites « monogéniques »), la relation phénotype-génotype semble plus simple : c’est le cas dans de nombreuses formes familiales où tous les sujets avec HHC ont une olfaction

Malformations associées

Elles sont très rares chez les sujets porteurs d’HHC isolé avec olfaction normale [1], [2]. Devant un syndrome de Kallmann, il faut chercher systématiquement des anomalies associées [31] (tableau II) telles les anomalies de la ligne médiane, les agénésies ou malformations osseuses et dentaires plus fréquentes en cas de mutations de FGFR1 [1] ou bien des hypoacousies ou des mouvements en miroir (syncinésies d’imitation) ainsi que des agénésies ou malformations rénales et/ou des voies

Traitement hormonal

Étant donné que le diagnostic d’HHC est fait le plus souvent après l’âge de la puberté, le principal objectif thérapeutique chez ces adolescents ou jeunes hommes est de rétablir un aspect physique et un comportement proche de la normale. Pour atteindre cet objectif, plusieurs possibilités thérapeutiques existent : testostérone, gonadotrophines ou GnRH pulsatile administrée à l’aide d’une pompe portable [1]. En pratique clinique, le moyen le plus utilisé du fait de sa commodité et de son faible

Traitement de l’infertilité

L’androgénothérapie chez les hommes atteints d’HHC a pour objectif d’entraîner une virilisation et un équilibre hormonal androgénique permettant une qualité de vie quotidienne affective et sexuelle la plus proche possible de la normale. Cependant, la testostérone ne permet pas d’obtenir une correction de l’infertilité. Ces patients sous androgénothérapie ont, dans la grande majorité des cas, une azoospermie sécrétoire par carence sévère en gonadotrophines hypophysaires [1], [3]. Le traitement

Conseil génétique

Lorsque ces hommes manifestent un désir de paternité, il faut au préalable leur donner un conseil génétique le plus fiable possible compte tenu de l’état de la science à un moment donné [1], [3]. Cette information du patient sera facilitée par la connaissance du mode de transmission le plus probable de la maladie (voir ci-dessus) et donc par une enquête familiale et des analyses génétiques qui, dans ce contexte, sont obligatoires. En cas de transmission autosomique dominante (Kallmann avec

Conclusion

Les HHC sont une cause classique, maintenant mieux connue, de retard pubertaire. Le diagnostic hormonal a été simplifié avec l’amélioration des outils de mesure des gonadotrophines hypophysaires et de la testostérone totale associée aux progrès de l’imagerie. La détection d’un développement pubertaire insuffisant avec des gonadotrophines basses doit toujours faire évoquer cette pathologie après avoir écarté les diagnostics différentiels, en particulier un retard pubertaire simple. La prise en

Déclaration d’intérêts

les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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    • Clinical characteristics and follow-up of 5 young Chinese males with gonadotropin-releasing hormone deficiency caused by mutations in the KAL1 gene

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    View full text